La guerre de 1914-1918 à Urmatt

Depuis 1870, le village était passé, comme toute l’Alsace, sous l’autorité allemande.

Au cours de la journée du 1er au 2 août 1915 c’est la mobilisation générale. Tous les hommes valides entre 18 et 50 ans sont incorporés dans l’armée allemande et engagés sur différents fronts.

En l’absence de la main d’oeuvre habituelle les travaux agricoles sont effectués par les femmes, par les hommes de plus de 50 ans et par les écoliers. D’ailleurs, à maintes reprises les congés scolaires furent prolongés pour permettre aux écoliers d’aider à effectuer les travaux dans les champs.

Bien vite le bruit sourd des canons se fait entendre dans l’arrière de la vallée, et les soldats français s’avancent jusqu’aux hauteurs de Lutzelhouse et Grendelbruch. La 28ème Division de Réserve s’est portée d’Epfig à Heiligenberg par Obernai et Mutzig le 16 août. C’est là qu’elle reçoit l’ordre de pénétrer en plusieurs colonnes dans la vallée de la Bruche. Le 18 août, vers 16h les canons du fort de Mutzig où siègent les troupes allemandes se mettent à tirer sur Urmatt. Entre 15h30 et 16h30 les 291 tirs s’abattent sur la région d’Urmatt. Neuf obus sont tombés sur notre village. L’église, l’école de garçons et des maisons privées subissent quelques dégâts, ainsi que les prés le long de la voie ferrée. Il n’y aura aucune victime, car les gens s’étaient réfugiés dans les caves. Il a été longtemps dit que le bombardement a eu lieu suite à de faux renseignements disant que les français seraient arrivés jusqu’à Urmatt, ce qui n’était pas le cas.

En fait, il apparaît que l’intervention du fort de Mutzig était une démonstration de force militaire non nécessaire. Après la guerre, Urmatt a voulu symboliser ces tirs d’obus par des boules en grès. Ces boules posées sur les escaliers des anciens bains, 71 rue du Gal de Gaulle, doivent rappeler les obus tombés sur l’église.

Comme partout ailleurs, l’école est réquisitionnée pour le cantonnement des troupes, Urmatt étant sur le passage principal du front vers l’arrière. Le 20 août arrivent les premiers « pantalons rouges », ce sont des soldats français prisonniers.

A chaque victoire des troupes allemandes, les cloches se mettent à sonner et les enfants bénéficient d’une journée de congé. L’école fonctionne au ralenti. Le bureau de distribution de la poste des bataillons cantonnés dans les environs est installé dans une salle de classe. Bien vite l’atmosphère change, et l’euphorie des premiers mois disparaît.

Les cartes d’alimentation de pain « Brotbücher » apparaissent. Le pain est rationné et il devient de plus en plus mauvais, la farine traditionnelle remplacéepar de la farine de mauvaise qualité (farine de gland par exemple). Puis viendront les cartes de viande, de sucre, de savon, de chicorée et de lait.

En avril 1916 arrivent les soldats du Bayerische Landsturm Bataillon. Ce sont desbavarois qu’on appelle « die Dillingen ». Ces hommes venant de la garnison de Dillingen an der Donau sont âgés de 40 à 45 ans., et sont logés dans les familles. Ils étaient appelés à construire les Unterstände (bunker) et les tranchées se trouvant essentiellement au Meisenwald, au Soultzbach, à la Brennenstube, au Kritt et à l’Eimerbach.

Les Dillingen étaient aussi appelés à seconder les familles dans les travaux aux champs dont les hommes étaient partis à la guerre.

Le bataillon quitta Urmatt pour Sainte Marie-aux-Mines du 4 au 25 juin, puis revint à Urmatt jusqu’au 5 septembre 1916. Il partit définitivement pour Mörchingen en Lorraine et fut remplacé pour une courte durée par le Landsturm Bataillon Passau.

La situation se dégrade progressivement. Dès décembre 1916 les bêtes sont recensées et réquisitionnées. En 1917, les cloches sont également réquisitionnées. Et c’est vers la mi-novembre 1918 que le village voit passer inlassablement des convois de soldats allemands vers la direction de Mutzig. Les derniers à quitter les lieux sont les troupes bavaroises et hambourgeoise.

Le 18 novembre 1918, enfin le clairon, les français arrivent, les pantalons rouges ont été remplacés par les uniformes bleu horizon. Ils ont du pain blanc et des boites de singe. Ils arrivent avec un jour d’avance et la population prise de court ne peut leur réserver l’accueil prévu. Les drapeaux tricolores apparaissent, ils sont confectionnés avec des moyens de fortune. C’est enfin la nouvelle de l’armistice et le retour des prisonniers.

On pleure ses morts d’une façon particulière en Alsace, et pour cause : la région s’est battue sous l’uniforme allemand en 1914. Le Conseil Municipal décida dans sa séance du 1er septembre 1920 d’ériger un monument aux morts au milieu de la place de l’église pour honorer les 24 victimes de la guerre avec une inscription qui ne sera pas patriotique mais religieuse « Priez pour eux ».

(Marie-Odette Bindel-Schneider)