La guerre 1939-45 à Urmatt
Mobilisation générale le 2 septembre 1939 à 0 heure.
Non seulement les Administrations sont évacuées de Strasbourg vers notre Vallée (la Préfecture à Lutzelhouse, Les Services du Statut Local et des Pensions à Urmatt, la Trésorerie Générale au château du Mullerhof, mais aussi la population de Strasbourg et celle le long de la ligne du front est obligée de partir. A Urmatt, les chambres chez l’habitant sont également réquisitionnées pour les réfugiés. Même les bêtes étaient évacuées et Urmatt dut, comme chaque village, nommer un ” chef de débarquement ” qui devait s’occuper de débarquer le bétail arrivé à la gare lors d’une évacuation de la zone 2.
Le 12 mars 1940 la circulation des civils à pieds et pour tous moyens de locomotion est interdite dans le Bas-Rhin de 21 h 30 à 5 h 30. Le commandant d’Etapes de Schirmeck ordonne la fermeture de tous les établissements publics ( hôtels, restaurants, cafés, cinémas etc…) à 21 heures.
Ce qui fit aussi mal à la population ce fut le silence des cloches lors d’un office ou pour les cérémonies religieuses. La sonnerie est réservée pour l’alerte aux avions dans les localités qui ne sont pas
pourvus de sirènes et le tocsin pour les incendies. Pourtant le 22 décembre 1939, le Général Commandant l’Armée de la 3e Division autorise la sonnerie des cloches pendant la nuit et la journée de Noël. Probablement que la sonnerie des cloches d’Urmatt n’était jamais aussi belle et n’a jamais aussi bien résonné dans le cœur de la population.
Urmatt fut à peu près calme jusqu’en juin 1940. Le Maréchal Pétain demanda l’Armistice, cette demande est confirmée par les Allemands dont les avions inondent la Vallée de tracts que les hommes se passent de main en main. Placé sous les ordres du commandant Coural, le 21ème bataillon du 24 R.I. est cantonné le 17 juin à Muhlbach sur Bruche et la 1ère Compagnie est envoyée à Urmatt pour défendre le village.
Ce 17 juin, peu avant minuit, le docteur GURI, Maire de la localité est tiré du lit, il doit prévoir des cantonnements pour les militaires français. Les hommes sont au centre près d’un barrage et à la lisière de la forêt du Meisenwald. Ils sont aussi camouflés dans les scieries Wahlmann et Siat et le PS du médecin ont trouvé un excellent abri dans la cave voûtée de la salle des fêtes du Restaurant Ruffenach (immeuble dans la cour, aujourd’hui démoli)
Les vivres font défaut, quelques bêtes sont réquisitionnées dans les étables. Le pain est rationné à 200 grammes par homme et par jour et est commandé chez les boulangers d’Urmatt. Les hommes sont fatigués et en désordre. Entre la Mairie et l’Hôtel de la Poste de Mme Schirmann, les travaux de barrage lourds (Panzersperre) s’achèvent.
Le 22 juin les fusillades commencent et des claquements de balles tombent dans le Meisenwald. Le combat a lieu en direction d’Oberhaslach. La 9ème Compagnie du 3ème Bataillon du 226ème RI vient se mettre à la disposition du 21/24 à Urmatt et s’installe à la lisière du Meisenwald. Contre des effectifs trois fois supérieurs les Français vont s’incliner. Les gens de l’Impasse des Prés se battent pour que les soldats français dégagent une voiture de munitions placée là.
La fusillade est vive depuis la matinée et la puissance du feu adverse impressionne. On entend une formidable clameur : l’ennemi dévale les pentes du Meisenwald et tombe dans le dos de ses sections. Une trentaine d’hommes seulement, profitant des cultures dans les champs, pourront rejoindre le chemin creux (aujourd’hui, rue de la Forêt). L’un des hommes du haut d’un arbre dans lequel il est monté, tue plusieurs allemands.
Les Français se replient dans le village, vont d’habitation en habitation, suivis pas à pas par les Allemands, ceux-ci tirent sur tout ce qui bouge. Au fur et à mesure les Français sont dépossédés de leur matériel et fait prisonniers. Un soldat allemand gît dans l’escalier de la cave de M. Aloyse Schreiber (actuel N° 7 rue de la Forêt). Les Allemands voient un soldat qui détale au bas de la rue de la Forêt, le suivent et croient le voir entrer dans la maison de Hippolyte Schneider (angle de la rue de Molsheim et de la rue de la Forêt), Dans la cave de cette maison une grande partie du village avait trouvé refuge. La maison fut mise à feu sans préavis. Les gens sortent de cette cave en implorant et en faisant savoir qu’ils n’étaient que des civils. Elle fût complètement détruite ainsi que la maison voisine (maison Lehn). Puis le feu dévore la maison du menuisier Fassel. Plusieurs soldats français tombent.
Un peu plus tard la maison de la famille Ohrel (actuel 53 rue de Molsheim) s’enflamme. On se bat dans les vergers et les grenades à manches explosent en chapelet. Dans un verger de la rue de la Hoube (actuel N° 10a) un groupe de soldats français se réfugient dans une tranchée couverte de feuillage où ils avaient installé une mitrailleuse. Vers 17 heures l’un deux dit ” Nous sommes à 15 et il ne reste plus que 11 balles. Nous allons nous rendre ! ” Cela soulageait les riverains. Ils les virent descendre les prés, vers la rue nationale pour se constituer prisonniers.
En même temps une compagnie se défend dans la scierie Wahlmann, elle aura de sérieuses pertes avec trois tués ainsi que de nombreux blessés.
Le régiment allemand 435 a engagé deux bataillons pour venir à bout de la résistance française et prendre d’assaut Urmatt. Les Allemands sont mauvais, ils viennent en vainqueurs, les manches retroussées et en transpiration.
La journée était particulièrement meurtrière : 12 morts du côté français et 6 du côté allemand ainsi qu’une quarantaine de blessés. Les morts seront inhumés dans des tombes sur le cimetière communal le long du mur ouest, la moitié dans des cercueils et une partie à même la terre. Les soldats allemands seront exhumés le 26 août 1940 et regagneront le cimetière militaire de Mutzig. Après la guerre les soldats français seront également exhumés. En 1947 restent encore 10 tombes qui sont régulièrement entretenues par la population.
Les prisonniers du 21/24 et de la 9/226 sont conduits dans une prairie où ils seront fouillés et délestés du contenu de leurs poches. Ils passeront leur première nuit de captivité dans les locaux de l’école de filles. Les soldats français déambulaient par colonne dans la rue, les mains sur la tête et furent ramenés vers la Gare où les attendait des trains spéciaux. Une partie des prisonniers, ceux de la 2ème compagnie, sont amenés à l’église de Niederhaslach où ils passèrent la nuit. Le lendemain ils prendront la direction du Nord vers un camp de prisonniers à Saverne avant de rejoindre l’Allemagne pour une captivité.
Le lendemain des jeunes gens intrépides se sont rendus sur les lieux où étaient cantonnés les Français et ramenèrent au village des armes et des munitions. Les enfants ignorant le danger, jouaient à la guerre avec de vrais fusils et de vraies balles. Un peu plus loin, dans la forêt du Meisenwald fut retrouvé la cuisine roulante et le riz déjà cuit. Il est donc à conclure que les soldats furent bel et bien surpris.
(x) extraits tirés du livre de Roger Bruge- complété par les archives de la mairie ainsi que les récits des personnes ayant vécu cette journée.
Le bombardement de 1944…
1944 : L’année est prête à s’achever…On sait que la Libération s’approche, l’armée alliée est aux portes de Saint Dié. Le quartier général allemand du front, secteur des Vosges, s’est installé à Urmatt au lieu-dit ” Hermitage “, dans la villa appartenant à la famille Muller. Un dépôt de munitions est installé en forêt au lieu-dit ” Carrefour de l’Etoile “. Ce repli allemand est repéré par les alliés. Des chasseurs ” Thunderbolt “, appelés ” JABO ” (Jagdbomber) par les Allemands survolent quotidiennement Urmatt. Des trains sont mitraillés, une dizaine de bombes tombent aux alentours de la commune.
Le 17 octobre, un train en gare d’Urmatt est mitraillé et les maisons des familles Hahnschutz et Schilling sont ébranlées par une bombe tombée sur la route. Les deux familles sont évacuées. La deuxième bombe tombe sur les dépendances de la maison Louis Siat. Elle occasionne de gros dégâts, tue même les bêtes, mais n’explose pas.
Le dimanche 29 octobre à 16 heures, nouveau bombardement. Un JABO prend comme cible l’école de filles située sur l’actuelle place du village. Les Américains ont repéré la ” section transmission ” qui a été déplacé de l’Hermitage dans les locaux de l’école.
L’école et la maison de la famille Weiss sont entièrement détruites. La famille Hahnschutz victime du premier bombardement le 17 octobre avait trouvé refuge au 1er étage de l’école et fut durement éprouvée. On releva deux morts immédiatement : Mme Marie Schuller et son petit-fils Roland Hahnschutz de deux ans et quatre blessés très gravement atteints : Mme Hahnschutz et trois de ses enfants (Marie Louise, 4 ans, mourra trois semaines après suite aux blessures). Pourtant, Gilbert, couvert de gravats dans son berceau, protégé par une poutre survivra miraculeusement. Dans la cave de la maison Weiss s’étaient abrités plusieurs familles du voisinage qui sortirent indemne des décombres.
Les hommes aident à déblayer mais le désastre est complet. C’est bien vrai qu’il faut déloger l’ennemi, mais pas à ce prix là. L’incompréhension et la peur gagnent la population et on se regroupe dans les caves éloignées de la route nationale et de la voie ferrée.
La population redoutant la bataille, commence à se réfugier dans des abris ou des caves ” sures “. Un grand nombre de la population avait préparé pour la circonstance les anciens ” bunker ” de la première guerre. Les gens de la rue de la Forêt et de l’Impasse des Prés trouvèrent refuge dans l’un des Bunker du Meisenwald, ceux de la rue de la Hoube dans celui de l’Eimerbach près de l’Ermitage et une grande partie ainsi que le curé Steinmetz dans le grand bunker de l’Ermitage au lieu-dit du Kritt.
La libération d’URMATT …
Une pluie fine et glacée tombe sur Urmatt, ce jeudi 23 novembre 1944….Une centaine de soldats allemands gardent la route Saint-Dié-Strasbourg. Ils logent chez l’habitant. Toutes les maisons inhabitées sont réquisitionnées depuis leur arrivée en 1940 et un groupe plus important est stationné dans la villa au ” Hirschbaechel “.
La nuit tombe, les soldats regagnent leur cantonnement. Brusquement, à 20 heures, ils reçoivent l’ordre de partir immédiatement. En même temps se répand : ” ILS sont à Saint Dié… ” et les plus assidus à Radio Londres ou a Radio Beromunster osent dire que ” Leclerc serait à Strasbourg ! ”
Le vendredi matin, presque tous les soldats allemands ont disparus. Sur l’ordre de l’Ortsgruppenleiter (Responsable politique du village) deux barrages, en troncs d’arbres qui ont été réquisitionnés à la Scierie, s’élèvent l’un à hauteur de la Chapelle Siat et l’autre près de l’ancien presbytère (actuellement entrée de la rue de l’eau). Un Feldwebel (sergent allemand) lance : ” Das tut alles nichts. Die Panzer werden doch durchgehen “, preuve que certains allemands réalisent déjà leur défaite… dans leur tête ils pensent devoir se rendre.
Il est 15 heures 30, ce jour du 25 novembre, jour de la Sainte Catherine, un guetteur perçoit des silhouettes le long de la route nationale…aucun doute… ce sont des soldats. Des chars Shermann encadrés par l’Infanterie descendent la route, les soldats marchant à la queue leu leu, les fusils sont pointés en longeant les fossés, bordant alors encore la rue nationale, puis vinrent les premières maisons du village. C’étaient les soldats du 7e Corps de l’US ARMY, 3ème bataillon de la 15ème Division d’Infanterie.
La foule du haut du village et de la rue de la Hoube traverse les prairies et descend vers la route ( à l’époque on pouvait encore passer de la rue de la Hoube vers la route, il n’y avait pas de clôture et pas de maisons) allant à la rencontre des Libérateurs. ILS marchaient impassibles.
A la sortie du village, côté Est, une fusillade crépite. Devant la maison Zurmely (N°30 actuel) se trouve un char allemand abandonné. Les Américains ne laissent rien au hasard, ils s’assurent qu’il est bien vide.
La joie explose et donne des ailes à ceux qui courent annoncer la nouvelle à ceux restés dans les caves et les bunker.
Bientôt la population se trouve dans la rue principale. La nouvelle circule : Le curé Steinmetz dira une messe dimanche 26 novembre. Des soldats américains se joignent à la population et vont à l’Office, quand soudain, les tirs reprennent. Les soldats quittent précipitamment l’église. Le curé Steinmetz, conscient du danger, demande à ses paroissiens de rester sagement à l’Office. Peu à peu, le bruit des tirs s’arrête et la Messe terminée, la population assiste à la reddition de 3 soldats allemands venant du Hirschbaechel en tendant un drapeau blanc. Ils devaient démolir le pont.
Les drapeaux français resurgissent comme par enchantement, ceux qui étaient calfeutré, cachés et aussi ceux fabriqué en vitesse avec des lambeaux de tissus tricolores entassés à la barbe des occupants dans les armoires de nos maisons. Bientôt toutes les maisons son pavoisées. Les jeunes filles et les jeunes femmes arborent à leur corsage une cocarde tricolore. Bien vite les enfants découvrent le chocolat américain et les soldats US le ” Schnaaaps ” (notre alcool blanc) et le vin blanc. Toutes ces précieuses réserves aident à fêter les Libérateurs. Plus d’une réserve cachée dans les pommes de terre faisait son apparition. L’alcool était troqué contre diverses victuailles.
Plus tard les Français succèdent aux américains qui n’avaient fait que passer, car l’objectif était Strasbourg, pour joindre Molsheim libéré par le Nord. En janvier 1945, le bruit court de l’arrivée du Général de Gaulle à Urmatt ! Branle-bas de fête inimaginable. Mademoiselle Pfister de Lutzelhouse (à ce moment là, employée à la Mairie d’Urmatt) demande aux jeunes filles de se mettre en costume d’Alsacienne. Comme elles n’en avaient pas, la commune de Lutzelhouse leur en prête… malheureusement le Général de Gaulle ” empêché ” délègue une Officier (d’Ernolsheim sur Bruche) pour l’excuser. Monsieur Speiser Joseph, tailleur et président de la société de Gymnastique avait confectionné pour la circonstance un drapeau avec l’emblème du Général et des motifs de circonstance avec le nom de la commune d’Urmatt que son fils Robert devait lui remettre. Ce drapeau a été remis au maire Vincent Metzger par ledit Robert Speiser lors de la parution du livre ” Urmatt à travers les âges ” en 1997.
(x) propos recueillis en 1984 auprès de Mesdames Schneider Maria, Metzger Marie, Hahnschutz Madeleine, Kronberger Jeanne, Toussaint Emérence, Antoni Madeleine, Erb Françoise, Schneider Adelphine et Messieurs Weiss Amand et Joseph. – documentation archives de la mairie.
Source : Mémorial-GenWeb / Marie-Odette Bindel-Schneider
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